Love Is Our Resistance

Après s’être attardé sur un certain nombre de titres du groupe afin d’enrichir votre culture musesque dans nos précédents articles sur Invincible (http://citizens-of-muse.fr/together-were-invincible/), Knights Of Cydonia (http://citizens-of-muse.fr/koc/) et autres, vient le temps qu’une étape soit franchie. C’est pourquoi ce n’est pas d’une musique en particulier dont nous allons parler ici, mais bel et bien d’un album dans son intégralité, en l’occurrence du plus gros succès commercial du groupe à ce jour : The Resistance.

Le plus gros succès du groupe

Si l’album divise parmi la fan base mais également parmi la presse, il s’agit bien pour le groupe de son plus gros succès commercial, puisque l’album s’est vendu à plus de cinq millions d’exemplaires à travers le monde, dont plus de 750 000 rien qu’en France. Les Français sont donc bien les fans les plus fidèles, et c’est pourquoi Muse aime tant notre beau pays, comme Matthew Bellamy se plaît à le rappeler régulièrement : « Nous aimons le Fwance ! ».

L’orientation moins rock de l’album – ou son côté plus mainstream, diront les mauvaises langues – permet ainsi à l’album d’atteindre la première place des charts dans pas moins de 21 pays lors de sa première semaine, dont la France, l’Australie ou encore l’Angleterre. Il constitue d’ailleurs, en 2009, la meilleure vente en une semaine dans cette dernière, avec près de 150 000 exemplaires écoulés. Et si la percée du marché américain par Muse date véritablement de 2003 avec leur troisième album Absolution et plus particulièrement grâce à son mythique single Time Is Running Out (voir notre article : http://citizens-of-muse.fr/time-is-running-out/), The Resistance pousse celle-ci encore plus loin : c’est en effet la première fois qu’un de leurs albums atteint la troisième place des charts US.

Autres preuves de son succès, The Resistance se trouve être le huitième album le plus vendu dans le monde l’année de sa sortie; un succès qui ne s’essouffle pas puisqu’il est l’album le plus rentable sur la plateforme iTunes en 2010. C’est seulement en 2011 que Muse remporte son premier Grammy Award, grâce à ce cinquième opus de leur discographie, dans la catégorie « meilleur album rock ». Il remporteront à nouveaux celui-ci quatre ans plus tard pour leur album Drones (2015).

Les origines et l’écriture de l’album

Ce cinquième opus du trio britannique est mentionné pour la première fois plus de trois ans avant sa sortie, et plus d’un mois avant la sortie-même de son prédécesseur, Black Holes And Revelations. Alors que ce dernier est publié début juillet 2006, Matt évoque déjà The Resistance lors d’une interview datant du 24 mai pour la station de radio australienne Triple J. Il y fait mention de sa volonté de s’orienter vers un album aux sonorités plus progressives, à l’image d’un certain The Dark Side Of The Moon (1973) des Pink Floyd, album ayant d’ailleurs connu son petit succès local puisque se trouvant être le troisième album le plus vendu de l’Histoire.

Il faudra ensuite attendre plus d’un an pour avoir de nouvelles informations sur les sonorités vers lesquelles pourrait s’orienter l’album. C’est en effet lors d’une interview avec Rock Mag en juillet 2007 que Matt indique que certains titres seraient plus « dance » et électroniques, tandis que d’autres auraient une orientation plus classique voire symphonique : l’utilisation d’un orchestre pour l’enregistrement de certains morceaux est même mentionnée.

La majorité de l’album est écrite et enregistrée dans le studio personnel de Bellamy près du lac de Côme, en Italie. Celui-ci habite alors une maison ayant appartenu à Vincenzo Bellini. Grand compositeur d’opéras, la mort de celui-ci à l’âge précoce de 33 ans ne l’a pas empêché de marquer ce genre musical : une influence de plus semblant confirmer la direction classique prise par Muse pour leur cinquième album.

Si Matt est connu pour sa passion pour les sciences, son attrait pour le surnaturel l’accompagne également lors des sessions d’écriture : il explique avoir tenté d’entrer en contact avec le compositeur italien, tard la nuit, en jouant ses morceaux au piano. Les nombreuses années de spiritisme connues avec sa mère lorsqu’il n’était encore qu’un enfant semblent ainsi jouer un certain rôle, Matt affirmant dans une interview pour Q Magazine en 2008 que « ça n’a pas fonctionné jusque-là », mais qu’il est malgré tout « confiant que cela arrivera ».

L’enregistrement de l’album

Majoritairement enregistré dans le studio personnel du frontman – comme déjà évoqué – une partie de l’album est également enregistrée à Milan. C’est dans ce studio que le groupe rassemble l’orchestre de la ville, la dimension symphonique de l’album étant très importante, bien que ce soit évidemment la symphonie Exogenesis qui mobilise le plus les 40 musiciens présents.

Bien que Chris (eh oui, il participe parfois à des interviews !) annonce que le groupe a déjà « cinq ou six nouvelles chansons » pour l’album à venir fin juin 2008, l’enregistrement initialement prévu pour ce mois-ci ne doit finalement commencé qu’en septembre ou octobre. Il durera jusqu’en mai 2009, Dom annonçant le mois suivant la fin du travail en studio. La composition et l’enregistrement de The Resistance semble avoir été complexe pour le groupe, les paroles n’étant révélées par Bellamy aux deux autres membres qu’assez tard, toujours selon l’interview du bassiste. Mais c’est surtout l’enregistrement de la symphonie qui retarde la sortie de l’album, Matt voulant s’occuper seul de tous les arrangements, de peur qu’un autre compositeur s’approprie la musique à sa place.

Fin décembre, en tant que cadeau de Noël, le groupe poste sur ses réseaux sociaux quelques vidéos des sessions d’enregistrement. Cela marque le début d’une longue série de vidéos postées au compte-gouttes tout au long de l’enregistrement de l’album. Si le travail en studio dure jusqu’en mai, Dom annonce sur son compte MySpace, dès fin mars, que Matthew enregistre les parties vocales, ce qui constitue en temps normal l’une des dernières étapes d’enregistrement chez Muse. Mi-juin, l’album est mixé, Chris annonçant le 23 juin sur Twitter que l’album est bel et bien fini (« well and truly finished »). The Resistance sort finalement le 14 septembre 2009 partout dans le monde.

Les thèmes et sonorités de l’album

1984 : si une œuvre a bien joué un rôle dans le choix des thèmes de l’album, c’est bien ce roman. Publié en 1949 par l’écrivain britannique George Orwell quelques mois seulement avant sa mort, celui-ci voit le personnage de Winston Smith tenter de lutter contre un système totalitaire incarné par le fameux Big Brother. Il s’agit encore aujourd’hui d’une œuvre majeure, à l’ambiance très sombre et pessimiste, où tout citoyen est aliéné et où toute liberté est inexistante : « Big Brother is watching you ». Il n’en fallait pas plus pour que l’inspiration vienne à notre cher Matthew, déjà bien lancé dans ce domaine depuis les années Absolution.

Ainsi, on retrouve plusieurs allusions et idées plus ou moins directement tirées de ce livre, dont l’existence du continent de l’Eurasie; un terme également employé dans le jargon géopolitique (merci les trois ans de Licence d’Histoire) et que l’on retrouve donc également dans Le Grand Échiquier (1997), ouvrage de l’ancien conseiller à la sécurité de la présidence américaine et spécialiste des relations internationales Zbigniew Brzezinski, ouvrage ayant également inspiré Matt pour l’écriture des paroles de The Resistance.

Si l’aspect littéraire ou historique vous ennuient, ou si prononcer « Zbigniew Brzezinski » vous donnent envie de vous tirer une balle, alors parlons plutôt musique : si l’aspect rock est toujours bien présent (Unnatural Selection), si l’aspect électronique continue d’intégrer les compositions du groupes (à travers les synthés de MK Ultra), ou même si un côté RnB peut se retrouver sur l’album (Undisclosed Desires), la spécificité de cet opus est évidemment son orientation très symphonique.

Que ce soit au travers de l’ambiance orientale des violons de United States of Eurasia ou le piano d’I Belong To You (entre autres), on ressent particulièrement l’amour du groupe et plus particulièrement de Matt pour la musique classique et symphonique; une ambiance symphonique se révélant réellement dans les « trois derniers morceaux » de l’album : Exogenesis Part I, II et III. Si je mets des guillemets, c’est parce que l’ensemble de ses trois morceaux ne forment au final qu’une seule et même symphonie de près d’un quart d’heure et sur laquelle je reviendrai dans la dernière partie de cet article.

The Resistance en live

A l’inverse des précédents albums, aucun titre n’est joué plusieurs mois à l’avance, aussi bien en version finale qu’en simple démo, à l’inverse de titres comme Assassin ou Glorious – pour l’album précédent, qui avaient été joué bien avant la sortie de l’album et avaient connus des modifications assez conséquentes dans leurs versions définitives. Les premiers titres à être révélés en live avant la sortie de l’album – excepté Uprising – sont Unnatural Selection, Undisclosed Desires et Resistance, tous trois joués pour la premières fois lors d’un concert intimiste du groupe le 4 septembre 2009 dans sa ville d’origine, Teignmouth, soit seulement une semaine avant la sortie officielle de l’album, plus de 10 ans après leur dernier passage ! En parlant d’intimité, 2000 fans français ont également la chance d’assister à un concert du groupe quatre jours plus tard, alors que l’album n’est toujours pas sorti.

Avec pas moins de 129 dates, dont une douzaine rien qu’en France, Muse cumule plus d’un million et demie de spectateurs à travers 26 pays différents. Que ce soit en salle ou en stade, en Europe ou aux États-Unis, toutes les setlists débutent par le lead single de l’album Uprising et se terminent par Knights Of Cydonia, évidemment précédée du fameux Man With The Harmonica. Quelques titres aujourd’hui presque totalement absents des setlists sont joués à plusieurs reprises, parmi lesquelles Cave, Ruled By Secrecy, Citizen Erased ou encore Bliss et Dead Star, au sein d’une setlist relativement mobile entre les différentes dates et surtout types de concerts (stades, tournée US, tournée européenne…). Concernant les dates en salles, notons que celles-ci sont introduites par le morceau spécialement conçu pour cette tournée, We Are The Universe, introduction à Uprising : l’utilisation des synthés semble d’ailleurs être similaire mais avec un tempo bien plus rapide.

Concernant les titres directement issus du dernier album en date de l’époque, beaucoup sont finalement assez peu joués et disparaissent dès la fin de l’ère The Resistance : MK Ultra, I Belong To You ou encore Unnatural Selection. United States of Eurasia survit quant à elle le temps de la tournée suivante pour la promotion de The 2nd Law, tandis que Resistance, Undisclosed Desires et Uprising restent des titres récurrents, cette dernière étant même membre des « indétrônables » des setlists (aux côtés de Madness et autres Starlight). La grande oubliée des setlists reste, à l’inverse, Exogenesis. Si la première partie – Overture – est la seule jouée régulièrement lors du Resistance Tour (accompagnée, en stade, d’une danseuse suspendue à un ballon), la deuxième partie demeure, elle, absolument jamais jouée encore à ce jour. Redemption, la dernière partie, est rarement jouée, malgré un joli – mais unique – retour à l’occasion d’un concert donné au Japon en 2013 : on peut d’ailleurs noter, pour cette performance, l’utilisation en arrière-plan d’un clip-vidéo réalisé par les artistes japonais Tekken.

Les singles de l’album

Pour en finir au sujet de cet album, nous allons évoquer les quatre singles sortis pendant l’ère The Resistance. A noter que United States Of Eurasia est dévoilée avant toutes les autres musiques de l’album suite à une chasse au trésor, mais qu’elle n’est pas dévoilée comme single en tant que tel.

Le premier de ces singles n’est autre que l’énormissime Uprising. Sortie en version digitale le 4 août 2009 puis une semaine avant la sortie de l’album en version matérialisée, sa version – légèrement raccourcie – publiée sur YouTube le 9 octobre (ça fait beaucoup de dates différentes quand même) cumule actuellement plus de 160 millions de vues, ce qui en fait la musique la plus populaire du groupe sur la plateforme. Même les fans peu attirés par l’orientation prise par Muse considèrent généralement Uprising comme un classique; classique que l’on retrouve d’ailleurs en live à chaque concert encore aujourd’hui, étant d’ailleurs particulièrement appréciée pour son côté fédérateur : allez, faites vous plaisir, levez le poing et criez « HEY », vous en mourrez d’envie ! Mention spéciale au nounours révoltés du clip.

Vient ensuite l’hypnotisant Undisclosed Desires le 16 novembre 2009 (4 novembre pour la vidéo). Elle connaît elle aussi un énorme succès. L’ambiance y est très RnB, de par une sonorité très synthétique, l’utilisation d’une boîte à rythme ainsi que de par la pratique exclusive de slaps (un jeu percussif) à la basse de la part de Chris. Matthew Bellamy déclarera plus tard que, sans sa voix, la chanson ressemblerait purement à un titre RnB. Si ce style divise parmi les fans, elle ouvre le titre à un public bien plus large, ce qui participe assurément à son succès. Mention spéciale aux chaussures « branchées » de Matt dans le clip (regardez le clip, puis revenez pour comprendre cette blague).

Plusieurs mois s’écoulent, puis est publié le 22 février 2010 (10 février pour la vidéo, tirée d’un live du groupe à Seattle) en tant que troisième single de l’album le morceau titre de l’album, Resistance. Notamment composée d’une longue intro laissant place à un piano ainsi qu’à un refrain queenesque (« It could be wrong, could be wrong »), Resistance est directement inspirée de 1984, et plus précisément de la romance entre ses deux personnages principaux luttant contre le système totalitaire en place, Winston et Julia. Quand le groupe est interviewé par Nagui lors de son passage dans l’émission Taratata, Matt répond qu’il s’agit d’une chanson d’amour et non d’une chanson politique, mais que « l’amour est une forme de résistance, une résistance pacifique ». Précisons qu’il s’agit du premier single de l’album à être accompagné d’une B-Side : une reprise de Popcorn, de Gershon Kingsley. Aucune mention spéciale particulière, profitez simplement de ce titre comme il le mérite.

Sort, enfin, la fameuse symphonie Exogenesis, le 19 avril 2010. Composée de trois parties (Overture, Cross-Pollination et Redemption), elle ne dispose pas de clip mais sort en version matérialisée et dématérialisée. En prenant en compte les trois parties comme un morceau unique, il s’agit du titre le plus long du groupe, durant plus de 13 minutes. Y est racontée l’histoire d’astronautes partant en mission dans l’espace (eh non, pas à la plage !) afin de tenter de trouver un nouveau monde viable sur lequel installer la population humaine, pour qui ils représentent le dernier espoir. Les hommes réalisent cependant que cette mission ne pourra jamais aboutir car ils n’apprennent jamais de leurs erreurs et finissent toujours par s’autodétruire. Une fin pessimiste – mais touchante et véridique – à The Resistance : « It’s our last chance to forgive ourselves ».

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