
Cinquième album de Muse, The Resistance sort en septembre 2009 et devient rapidement le plus gros succès du groupe, se vendant à plus de 6 millions d’exemplaires dont le monde, dont près de 800 000 rien qu’en France. Si chaque titre peut évidemment être écouté individuellement, l’album se veut plus ou moins conceptuel. En effet, s’il n’est pas nécessaire de l’écouter dans l’ordre et dans son intégralité pour comprendre « l’histoire » comme c’est le cas avec Drones (2015), une influence majeure ressort au travers de nombreux titres de l’album : le roman 1984, de George Orwell.

Publié en 1949, le livre dépeint un futur proche (pour l’époque) et dystopique : en…bah en 1984 donc, la Grande-Bretagne – où se déroule l’histoire – y est présentée comme dirigée par un régime totalitaire – accompagné d’une propagande omniprésente – en place depuis une guerre nucléaire qui aurait ravagé les deux camps qu’étaient l’Est et l’Ouest, environ trente ans auparavant. Encore aujourd’hui, 1984 est considéré comme une référence des romans d’anticipation et de science-fiction.

Les deux blocs évoqués précédemment sont composés de trois grands continents : l’Océania, l’Estasia et l’Eurasia. Tiens tiens tiens…cela fait étrangement penser au quatrième morceau de The Resistance, United States Of Eurasia, non? Coïncidence? Je n’crois pas. *clin d’œil insistant*. Bref, ceux-ci se font perpétuellement la guerre, deux d’entre eux s’alliant toujours contre le troisième, à tour de rôle et selon les besoins de chacun. Seulement, pour garder la face devant ses citoyens, le Parti unique en place (fortement inspiré du stalinisme, au passage) fait en sorte de modifier son histoire.
Dès lors, que cela implique-t-il? Les grandes administrations sont chargées de travailler, rapidement et en collaboration, à – littéralement – changer le passé. Pour cela, tous les anciens documents sont effacés ou modifiés (livres, journaux…) afin de ne laisser aucune trace : ainsi, dans le cas des différentes guerres, plus aucune preuve concrète prouvant une alliance passée entre deux continents à présent ennemis n’existe. Seule les souvenirs humains sont censés subsister.
« Censés », puisque cet aspect de 1984 amène l’un de ses éléments les plus intéressants/flippants : le contrôle des consciences grâce à la Police de la Pensée (« the Thought Police » en version originale), évoquée explicitement dans le morceau titre de l’album : Resistance. Celui-ci est d’ailleurs le plus clairement inspiré du roman d’Orwell, traitant directement, de l’aveu même de Bellamy, de la romance entre Winston et Julia, les deux protagonistes principaux.

Mais cette Police de la Pensée, c’est surtout au supposé leader du Parti qu’elle profite : « Big Brother » n’aurait ainsi jamais eu de prédécesseur, il aurait toujours été à la tête du peuple, et même les informations communiquées à son sujet sont tronquées, mais toujours invérifiables. Ses troupes ont gagné telle ou telle bataille, les ressources en nourriture distribuées ont augmentées drastiquement grâce à son immense générosité (bien que Winston Smith, que l’on suit tout au long du livre, sache qu’il s’agit d’un mensonge), etc.
Seulement, il semble être le seul à se rendre compte que tous vivent dans le mensonge : comment des millions de citoyens peuvent-ils accepter que l’on modifie constamment leur réalité ? Pour Winston, savoir si tous acceptent cet état de fait ou bien si chacun a simplement peur de contester l’ordre établi reste l’une de ses préoccupations principales.

En bref, 1984 est la source d’inspiration parfaite pour Muse, et plus particulièrement pour Matthew Bellamy : complot, dystopie ou encore contrôle des masses s’y côtoient tout en dénonçant les dérives de certaines idéologies et les risques d’un totalitarisme ici poussé à l’extrême. L’image de Big Brother est encore employée aujourd’hui pour dénoncer les privations de libertés dans certaines sociétés du monde. Sans spoiler, le pessimisme avec lequel les différents thèmes abordés sont traités dans le roman est probablement ce qui en fait sa plus grande force.
Les quatre mystérieux Ministères que sont ceux de la Vérité, de la Paix, de l’Amour et de l’Abondance (installés dans de grands bâtiments inquiétants en forme de pyramides), le principe de la novlangue…nombreux sont les éléments qui auraient ici pu être développés. Cependant, cela prendrait un temps trop important, d’une part, et spoilerait encore un peu plus ceux d’entre vous qui – je l’espère – sont intrigués par ces quelques paragraphes et auraient envie de découvrir cette histoire par eux-mêmes, d’autre part. Moins gai et facile à lire que les Tintin ou Dora, mais bien plus enrichissant. Pensez tout-de-même à vous éloigner de tout objet contondant pendant votre lecture en cas de santé psychologique fragile.
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